Gérer un plateau d’animation tel rose

Suite à mes premiers articles sur le téléphone rose, j’ai voulu creuser à propos de ce sujet fascinant.
Virginie, la patronne de la société dont je vous ai parlé précédemment a gentiment accepté de répondre à mes questions via un entretien téléphonique. En voici la retranscription :

Présentez-vous s’il vous plaît ?

Je m’appelle Virginie, je suis dans l’univers du tel rose depuis 2000. Aujourd’hui je suis responsable animation, j’accompagne les hôtesses sur les plateaux de telrose.fr

En quelle année avez-vous commencé à faire du téléphone rose? Pourquoi ce choix? Avez-vous eu du mal à le confier à vos proches ?

Au début je cherchais un travail alimentaire et je me suis retrouvé hôtesse de téléphone rose. Dans une grande boîte toulousaine qui n’existe plus. Après quelques années j’ai lancé mon propre plateau.

Mes proches sont plus ou moins au courant et OK, mais à la question « quel est votre métier/ que faites-vous dans la vie » d’une personne que je ne connais pas plus que ça, je ne suis pas très à l’aise. Heureusement j’ai appris à « bullshiter » : je me cache derrière des phrases compliquées à base d’ « audiotel surtaxé », j’évite de répondre « tel rose »

Quelles étaient les conditions de travail à cette époque ?

Comme aujourd’hui, mais j’ai commencé dans les locaux, ça ne se faisait pas encore trop à domicile.

Des anecdotes à ce propos ?

On était une petite équipe à bosser à Toulouse, moyenne d’âge 25 ans on s’entendait toutes assez bien, mais dans le lot il y avait cette femme plus âgée, personne ne voulait travailler à son poste parce que la chaise était parfois mouillée… Voilà voilà…

Quand avez-vous décidé de vous mettre à votre compte? Comment vous êtes-vous développée?(sites internet, publicité etc), Comment gérez-vous face à la concurrence?

A l’époque où j’ai lancé mon propre plateau, pour attirer les 1ers clients je faisais de la promo assez agressive sur des sites de tchat et autres (là où étaient les mecs)… J’ai eu de la chance d’être parmi les premiers à faire cela parce que les plate-formes n’ont pas tardé à réagir en mettant des filtres anti-spam. Aujourd’hui sans moyen je ne sais pas comment je pourrais me lancer. C’est souvent le problème de tous les nouveaux cabinets : il n’y a pas d’appels, et plus de solution « gratuite »

Quels sont les profils de vos hôtesses ? Situation familiale? Professionnelle ? Ages ? Origines socio-culturelles ? Libertines ou pas ?

Il n’y a pas de profil type, de la jeune étudiante à la retraitée en passant par la femme active qui veut augmenter ses revenus, ou qui a un besoin d’argent suite à un accident de la vie, fin de droits, divorce etc… Libertine ou pas, peu importe mais pas trop coincée au téléphone.

Quels sont vos critères de sélection ?

La voix, facilité à s’exprimer, disponible, sérieuse.

Par expérience, quelles sont celles qui restent et plaisent le plus aux clients? Qui tirent le mieux leur épingle du jeu ? Des exemples de belles réussites post téléphone rose ?

Les filles naturelles et spontanées ! Tchatche et le sourire ça passe toujours mieux. Ensuite, je ne sais pas si c’est un exemple de réussite mais j’avais une hôtesse qui a cagnotté environ 1 an, puis elle a pris son butin, un billet d’avion pour Tahiti et m’a appelé pour me dire qu’elle ne rentrerait plus en métropole:)

Combien peuvent-elles gagner ? (du plus petit revenu au plus élevé) Certaines ne vivent-elles que de cela ?

De quelques euros à plus de 2600 en 1 mois pour le record, et oui certaines font l’équivalent d’un temps plein.

Comment définiriez-vous vos techniques de coaching ? Comment les motivez-vous ?

J’essaye d’être à l’écoute et d’apporter des conseils personnalisés. C’est important et c’est toujours utile d’avoir un avis extérieur. J’ai vu un coach une fois à la TV, on lui a demandé, « est-ce qu’on peut être soi-même son propre coach ? ». Il a répondu : « est-ce que vous avez déjà essayé de faire votre lit en étant dedans ? ». Ça m’a plu, on peut dire que je les aide à faire leur lit 🙂

Pensez-vous que le téléphone rose a un avenir à long terme malgré tous les supports de stimulations à visée masturbatoire qui existent et vont être créés dans un futur proche ?

Le tel rose apporte une chose que les autres supports n’apportent pas : une réelle présence féminine au tél. Il y a une communication, une interaction, qui n’existe pas dans la consommation de porno, aussi sophistiquée soit-elle.

Quels sont les profils d’hommes qui appellent? Tous les milieux socio-culturels sont-t’ils représentés? Sont-ils fidèles sur le long terme ? Des exemples ?

Tous les hommes sont représentés, plus ou moins fidèles sur le long terme.

Recherchent-ils tous seulement du sexe ?

Ils appellent aussi pour discuter, se confier. C’est un peu SOS amitié avec du cul en plus.

Ma conclusion :

Mon point de vue à propos de ce type de services a considérablement changé. Socialement, ces femmes de l’ombre prennent un risque, celui d’être jugées moralement. Ce qui est injuste car elles font un travail remarquable et honnête. Elles sont issues de tous milieux et ont des parcours, pour certaines, loin de beaucoup de stéréotypes véhiculés par des émissions de télévision et des canulars d’animateurs appelant ce genre de numéro en direct afin de se moquer des animatrices et de leurs clients. C’est un vrai travail, d’animation, qui demande des qualités d’écoute et de la répartie. Selon moi, le tél rose a encore de beaux jours devant lui … Il se pourrait bien que je prépare très prochainement un autre article sur le sujet « immersion et mise en situation : dans la peau d’une hôtesse de téléphone rose ».

Chloé, journaliste indépendante.